Est-ce que le Cross Training et la santé vont de paire?

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Est-ce que le Cross Training et la santé vont de paire?

Au moment d’écrire ces lignes, les CrossFit games débutent. Les gens qui suivent cet événement sportif ont tendance à être motivés à débuter ce type d’entraînement pour être (ou pour se remettre) en forme.

Une réponse courte et plate qui revient souvent en entraînement physique

Est-ce une bonne idée? La réponse est que ça dépend de plusieurs facteurs et l’aspect principal à prendre en considération est celui de l’évaluation du ratio de la quantité de risques encourus par rapport à la quantité de bénéfices acquis par la pratique de cette activité.

L’intensité, un élément à prendre en considération dans la pratique du Cross Training

Un des éléments à prendre en considération avec ce type d’entraînement est celui de l’intensité qui est élevée. En entraînement, l’intensité peut être définie comme:

  • Lever de grosses charges (force maximale)

  • Lever des charges très rapidement (haltérophilie ou pliométrie)

  • Courir très vite (sprint, “prowler”, tirer un traineau surchargé, etc.)

Le concept de l’intensité ne doit pas être mélangé avec le concept de la densité qui est le ratio de la durée du travail physique par rapport à la durée de la période de repos. Habituellement, l’intensité et la densité sont inversement proportionnelles alors un marathon sans arrêt est très dense mais il est moins intense qu’un sprint de 100 mètres.

Quand l’intensité et la densité sont jumelées

En Cross Training, les éléments d’intensité et de densité sont même parfois jumelés. Dans ce cas, ça crée un contexte où le risque de blessures est plus élevé pour les personnes qui non pas les prérequis physiques nécessaires pour endurer une telle charge d’entraînement.

La fatigue neurale et son effet sur la technique

Si on combine à ce contexte, l’aspect technique de certains mouvements comme ceux de l’haltérophilie ou de la gymnastique (calisthénie), on peut augmenter encore davantage les risques de blessures parce que la fatigue entraîne souvent une baisse de la coordination qui affecte alors la technique. C’est encore plus vrai quand les acquis techniques ne sont pas automatisés à 100% et qu’ils sont donc plus vulnérables à la fatigue neurale.

Il serait facile de conclure que le cross training est risqué et donc qu’il faut l’éviter. D’un autre côté, si c’est une activité physique qui interpelle une personne à démarrer un processus de remise en forme, c’est une excellente nouvelle et il est alors intéressant d’envisager ce type d’entraînement physique.

Les précautions à prendre en Cross Training pour avoir une belle expérience et améliorer sa santé

La première précaution à prendre en est une de “mindset”. C’est-à-dire qu’il faut faire la distinction entre un moyen d’entraînement et la finalité sportive qui est la compétition des CrossFit Games.

Souvent, les gens qui sont attirés par cette pratique sportive, dû au fait qu’ils ont suivi les CrossFit Games, s’attendent à faire ce qu’ils voient pendant la compétition. Par-là, je ne dis pas que les gens s’attendent à faire les mêmes performances parce que les gens sont généralement conscients que les athlètes sont très en forme mais ils s’attendent à faire des activités similaires.

Or, tout dépendant du niveau de condition physique et du niveau de développement moteur (acquis techniques) pour les différentes épreuves (haltérophilie, gymnastique, calisthénie, dynamophilie, etc.) qui sont incluses dans le Cross Training, il risque d’y avoir une énorme différence dans les contenus d’entraînement et ce, pour respecter un principe de base qui est celui de la progression.

Le principe de progression et son influence sur la différence entre les moyens d’entraînement utilisés et ce qui est vu aux CrossFit games

Supposons qu’une personne X qui est relativement déconditionnée regarde les CrossFit Games et que ça lui crée une énorme motivation à s’inscrire à une telle activité. C’est super mais quel serait le scénario idéal pour le processus de Cross Training de cette personne?

Cette personne devra atteindre certains prérequis physiques pour diminuer le fameux ratio risques/bénéfices pour la pratique de cette activité soit sécuritaire et bonne pour sa santé.

Idéalement, cette personne devrait donc avoir une planification de processus d’entraînement qui:

  • va l’aider à améliorer sa composition corporelle (perte de gras) pour améliorer sa force relative (force par rapport au poids du corps).

  • va lui apprendre progressivement les bonnes bases techniques des mouvements de différentes disciplines en débutant avec des mouvements à basse vitesse avec de petits poids (basse intensité). Ça prendra beaucoup de répétitions pour automatiser les techniques.

  • va préparer ses tissus conjonctifs (fascias, tendons et autres structures de collagènes) à éventuellement pouvoir transférer des forces pour éventuellement pouvoir augmenter l’intensité si et seulement si la personne est prête au niveau technique et au niveau de d’un certain seuil de composition corporelle.

  • va améliorer sa V02 max ou consommation maximale d’oxygène (la perte de gras va aider) pour avoir une certaine base et éviter d’utiliser la filière lactique (acide lactique et lactate) trop rapidement, c’est-à-dire quand l’intensité va pouvoir être augmentée pour mieux récupérer pendant l’entraînement. 

La différence des contenus d’entraînement et la finalité (CrossFit Games) et la réaction à cette différence

Donc, la réalité du terrain est qu’idéalement pour cette personne X, il va y avoir une énorme différence entre les moyens et les contenus d’entraînement utilisés par rapport à ce qui est vu aux CrossFit Games.

Cette différence pourrait démotiver cette personne parce que ce qu’elle fait à l’entraînement ne ressemble pas beaucoup à ce qui l’a motivé à débuter le processus…

En marketing, la maxime est souvent: “Donnez aux gens ce qu’ils veulent et non ce dont ils ont besoin parce que le marché sait ce qu’il veut.” et c’est vrai dans la majorité des cas! Par contre, en coaching ou au niveau des services professionnels, la maxime est: “Donnez aux gens ce dont ils ont besoin et non ce dont ils veulent.” parce que l’expert sait ce qui aide le plus et ça peut entrer en conflit avec les attentes de la personne.

Pour ce faire, si le gym qui offre les services de CrossTraining flanche et décide de donner à la personne ce qu’elle veut, soit faire ce dont elle a vu aux CrossFit Games, pour la garder motiver, c’est à ce moment que les risques sont élevés.

En conclusion, l’éducation et la gestion des attentes avec les gens qui s’inscrivent à une activité de CrossTraining dû au fait d’avoir suivi les CrossFit Games est une responsabilité de la part des gens qui offrent ces services pour s’assurer d’améliorer la santé des gens et d’éviter les blessures découlant d’un ratio risques/bénéfices trop élevé. Sinon, remplacer des défis de santé métabolique pour des défis de santé orthopédiques est plus ou moins mieux en termes de qualité de vie. C’est particulièrement vrai quand le principe de progression peut énormément limiter les risques d’avoir des problèmes structurels (musculo-squelettiques ou orthopédiques).

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Simon Doiron Ducharme est le directeur de l’Institut de Formation en Préparation Physique (IFPP) qui offre de la formation et des certifications pour les entraîneurs qui veulent mieux encadrer leur clientèle.

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